Notre vie avec Marie-Michèle

Je suis la maman d’une jeune adulte ayant une trisomie 21 de 25 ans. Marie-Michèle est arrivée un beau dimanche d’avril à 23h14 après plusieurs heures de travail et une césarienne d’urgence. Quand je l’ai vu la première fois, je l’ai trouvée magnifique, évidemment. J’ai demandé à la prendre dans mes bras, malgré la césarienne et on m’a informée que le pédiatre l’attendait pour l’évaluer avec tous les bébés nés durant la nuit et que je pourrais la prendre par la suite. Évidemment, le pédiatre a terminé avec notre fille qui ne réagissait pas du tout comme les autres. Elle se tenait comme une poupée de chiffon et n’avait pas du tout les réflexes attendus chez les bébés naissants. Puis, l’infirmière est venue nous informer que le pédiatre voulait nous voir mon mari et moi. La panique s’est installée dans mes yeux avec raison, c’est alors que la pédiatre nous a informés que Marie-Michèle avait une trisomie 21. J’étais en état de choc.

J’ai tout de suite demandé si c’était ma faute. La pédiatre nous a expliqué que c’était un problème chromosomique et que je n’étais pas responsable. Cette impression de culpabilité est partie seulement à la naissance de notre 2e enfant, un garçon maintenant âgé de 22 ans. On nous a alors mentionné qu’elle pourrait être placée si on décidait de ne pas la garder. Mon mari a tout de suite répondu qu’on la garderait puisqu’on avait abordé le sujet durant la grossesse, mais cela n’était pas aussi évident pour moi. Et en plus, là, c’était pour vrai… Nous avons posé plusieurs questions à la pédiatre, rencontré un prêtre et une travailleuse sociale à l’hôpital.

Bien sûr, nous avons pris le temps d’aviser nos familles et amis, mais je ne pouvais pas répondre à toutes leurs questions. La première journée s’est passée entre les pleurs et les discussions entre mon mari et moi et je n’avais pas revu ma fille depuis l’annonce du diagnostic. Je ne voulais pas la prendre ni l’allaiter parce qu’après, je ne serais pas capable de la « placer ». Mais, vous comprendrez que j’ai finalement pris ma fille dans mes bras et que nous avons décidé de la garder. Car après discussion, nous croyons qu’elle avait été mise sur notre route pour une raison que nous ignorions à l’époque.

Nous avons depuis fait de notre mieux pour l’amener à l’autonomie fonctionnelle qu’elle a aujourd’hui. Nous l’avons intégré en classe régulière presque tout son parcours au niveau primaire. Nous avons dû expliquer, réexpliquer encore et encore nos motivations pour qu’elle soit dans un milieu le plus naturel possible, dans l’école de notre quartier où son frère irait quelques années après.

Nos arguments étaient entre autres qu’elle était dans une famille normale, dans un quartier normal, et on ne comprenait pas pourquoi il fallait la retirer de son milieu naturel pendant plusieurs années pour ensuite la réintégrer au niveau social. Nos prétentions étaient que si elle restait dans un milieu normalisant, elle aurait des comportements adéquats et n’aurait pas à les corriger lors de son retour dans la société.
Nous avons finalement réussi à la garder à son école de quartier, avec un accompagnateur à temps complet pour 2 élèves, jusqu’à sa fermeture, un an avant la fin de son primaire. Le service de garde de l’époque a été d’un grand soutien et quelques professeurs, lesquels nous ne remercierons jamais assez de leur aide et de leur sollicitude.
Arrivée au secondaire, nous avons dû passer par la Commission des droits de la personne pour poursuivre son parcours scolaire à l’école secondaire du quartier. Après une entente hors Cour, il a été décidé qu’il y aurait une intégration progressive dans la classe régulière avec un accompagnateur à temps partiel. Mais, la Commission scolaire n’a pas, selon nous, informé adéquatement le personnel concerné et elle a finalement fait son secondaire dans une classe spéciale de troubles d’apprentissages. Elle est restée au secondaire jusqu’à 21 ans et a ensuite suivi le programme d’intégration sociale pendant 4 années au Centre Champagnat. Elle a terminé son parcours scolaire en juin dernier, puisqu’elle participait à un plateau de travail depuis plus d’un an à 2 jours par semaine et qu’il y avait une possibilité qu’elle fasse 4 jours par semaine à compter de la fin des classes.
Elle participe donc maintenant au plateau de travail dans une entreprise où elle fait de menus travaux de motricité fine. Elle est entourée de plusieurs adultes ayant une déficience intellectuelle et de 2 éducatrices en or. Elle est bien appréciée de son milieu et adore son stage.

Pour l’avenir, elle rêve de se marier avec son amoureux avec qui elle est depuis 8 ans et de vivre en appartement avec lui. Nous espérons vivement qu’elle pourra réaliser ses rêves. Nous avons toujours élevé nos enfants en leur disant de croire en leurs rêves et que nous ferions notre possible en tant que parents pour qu’ils les atteignent. Nous avons convenu, mon mari et moi, que nous adapterions les situations pour qu’elle réussisse à faire ses apprentissages et vivre sa vie de manière autonome. Nous avons donc engagé deux spécialistes. Elle a appris à lire et à écrire avec une orthopédagogue (méthode syllabique) et à mieux se faire comprendre avec une orthophoniste.

Aujourd’hui, elle voyage en transport en commun pour ses déplacements de jour, elle est en apprentissage à la vie autonome où elle se pratique à vivre en appartement, puisqu’elle est en liste d’attente depuis 5 ans pour un appartement supervisé. Elle fait de la natation avec les Olympiques spéciaux, fait des sorties au cinéma, au restaurant, danse avec des amis qui ont une déficience intellectuelle et fait des apprentissages de mathématiques avec un tuteur une fois par semaine depuis 5 ans. Elle apprend aussi l’anglais grâce aux sous-titres de ses films.
Elle est très autonome et attachante. Ses forces sont son désir d’apprendre, sa capacité à exprimer ses besoins et à interagir avec les adultes, sa grande curiosité et son désir de bien faire les choses.

Avec le recul, on peut dire que Marie-Michèle nous a fait vivre bien de belles choses et nous a surtout aidé à accepter les différences, à se dépasser en tant que personne et à voir la vie avec des lunettes différentes. Nous remercions la vie de nous l’avoir envoyée et sommes reconnaissants qu’elle fasse partie de nos vies à tous les 3.