L’école à la maison

Par Chantale Boissinotte

Une décision qui m’a parue bien angoissante, au début. Un choix? Plus ou moins, je dirais que le bien-être psychologique de mon petit garçon était en jeu. Ayant fait sa pré-maternelle et sa maternelle en classe régulière, je savais que mon fils fonctionnait très bien à l’école. Il aimait beaucoup fréquenter les autres amis et il était bien intégré parmi eux. Il n’a jamais eu de problème de comportement. Lorsqu’il a dû changer d’école pour une classe spécialisée dans une ville plus éloignée, tout a basculé. En moins d’un mois, j’ai dû prendre la décision de le retirer de l’école. Je ne reconnaissais tout simplement plus mon petit garçon. Il me démontrait clairement qu’il ne voulait plus aller à cet endroit. Transport trop long, journées trop longues, école trop grande, sûrement d’autres raisons qu’il ne pouvait pas m’expliquer dû à sa difficulté de langage. Il vivait beaucoup d’insécurité. J’ai tenté de négocier avec la direction pour qu’il fasse des demi-journées mais aucune entente n’était possible à ce sujet. Le choix était clair, c’était soit à l’école soit à la maison. Alors, pour mon fils, j’ai choisi de lui donner une meilleure qualité de vie.

Le début était difficile, bien que James soit mon cinquième enfant, c’était ma première expérience de l’école à la maison. Habituellement, la commission scolaire fournit du matériel aux parents, mais comme il s’agissait pour lui d’une classe spécialisée, le matériel devait être adapté, donc il y a des droits d’auteur, à ce qu’on m’a dit. J’ai donc retroussé mes manches et j’ai cherché partout où je pouvais du matériel pour lui enseigner l’équivalent de ce qu’il apprendrait à l’école. Car c’est la loi, c’est important que notre enfant, s’il est dispensé de fréquentation scolaire, il doit avoir à la maison, un enseignement équivalent. On doit donc bien se renseigner à ce sujet. En librairie, il y a beaucoup de cahier d’exercices qui sont conformes au programme du ministère de l’éducation. Je m’en suis procuré plusieurs. Mais, comme la compréhension de mon fils est loin d’être la même qu’un autre enfant de son âge, j’ai dû adapter beaucoup d’exercices. J’ai fabriqué du matériel avec une bonne plastifieuse, c’est magique! Une imprimante est très utile également. Pour commencer, je me suis dit, il faut lui apprendre la base, soit les lettres de l’alphabet et les chiffres. Je me suis donc fabriquer un abécédaire cartonné et des chiffres jusqu’à 10. Il faut aussi lui apprendre à écrire son prénom. C’est donc le matériel de base pour la première année d’un enfant trisomique 21.

Bien sûr, il y a beaucoup d’autres à côté qui doivent être enseignés aussi. Par exemple, les formes, les couleurs, l’orientation spatiale, les jours de la semaine, les mois de l’année… etc. Beaucoup de sujets sont à explorer et doivent être travaillés selon la compréhension de notre enfant. Il ne faut pas négliger non plus les exercices d’orthophonie et d’ergothérapie, selon les conseils de nos spécialistes. C’est important de bien se renseigner, de se procurer du matériel et des conseils, s’il y a une ouverture à ce sujet à notre école et au CSDI de notre région.

Pour scolariser un enfant à la maison, ça demande du temps, beaucoup de disponibilité. Il faut être prêt à s’investir pour la réussite de notre étudiant. Ça demande aussi de la patience et de la persévérance. Avec un enfant différent, il faut souvent recommencer du début ce que l’on croyait presque acquis. Il ne faut pas être sujet au découragement. Mais, lorsqu’un objectif est atteint, la victoire est d’autant plus grande. Il faut alors féliciter chaudement notre enfant et le récompenser de ses gros efforts. Pour nous, c’est clair, c’est la danse de la joie! Ha! Ha! Il faut aussi s’amuser!

La première démarche à faire lorsque notre décision est prise, c’est d’écrire une lettre à la commission scolaire de notre région. Nous devons les aviser que nous désirons scolariser notre enfant à domicile pour l’année. Cette lettre doit être renouveler à chaque début d’année. Vous pouvez aussi décider au courant de l’année, si la charge est trop lourde, de retourner votre enfant à l’école. La décision de retirer notre enfant de l’école peut aussi, comme je l’ai fait, être prise au cours de l’année, lorsque vous voyez ses difficultés. Mais, vous devez être prêt à commencer la classe rapidement.

Nous devons aussi avoir un endroit suffisamment tranquille pour que l’enfant puisse se concentrer. Chez moi, j’ai fait une classe dans une chambre vide. C’est l’idéal et c’est un endroit qui est rassurant pour lui. L’adaptation s’est faite très rapidement, mon fils était heureux de ma décision. J’ai mis en place une routine comme il avait à l’école, nous suivons un horaire bien établi et ça fonctionne super bien! J’ai une minuterie qui sonne lorsque c’est l’heure d’aller à l’école. Mon fils monte alors spontanément dans la classe et commence sa routine.

L’école à la maison développe une belle complicité avec notre enfant. Nous partageons des moments riches. J’ai été très surprise de me découvrir une passion pour l’enseignement. Je ne m’aurais jamais imaginée dans le rôle d’un professeur! Mais j’ai découvert que j’aime ça! J’aime fouiller pour trouver de nouvelles façons de faire pour lui apprendre des notions plus difficiles. J’aime fabriquer du matériel qu’il prend plaisir à découvrir! Il est encore plus fier lorsqu’il peut m’aider dans la fabrication! J’ai un fils merveilleux qui aime apprendre! Il est curieux de tout et c’est extrêmement motivant! Et par-dessus tout, j’adore voir dans ses yeux la fierté lorsqu’il atteint un objectif qui était particulièrement difficile pour lui. Lorsqu’il a lu sa première phrase, il avait les yeux embués de larmes tellement il était fier! Et moi donc, inutile de vous dire comment étaient les miens…

Bref, les journées ne sont pas toujours faciles, mais en discutant avec d’autres parents, je me rends compte que mon fils va bien. Pour le côté social, il faut lui donner des occasions de rencontrer d’autres enfants. Par exemple, le mien suit des cours de danse avec un groupe d’enfants différents, il adore ça d’ailleurs, il va à la piscine, au parc… Des rencontres peuvent être prévues aussi avec le regroupement pour l’école à la maison de notre région.

Le sujet est vaste et les avis différents. Pour mon fils et moi, l’école à la maison est l’idéal. Il peut apprendre à son rythme, sans le stress des transports scolaires, ni la fatigue des journées trop longues. Il a tout de même une routine bien établie et participe aux travaux de la maison et de la ferme. Le côté principal qui lui manque est le côté social, puisqu’il est un enfant gêné de nature, et il ne tient pas ça du voisin… J’aurais aimé que nous puissions avoir une entente pour l’école à mi-temps et faire le reste à la maison, mais ce n’est pas possible dans notre région. Mais, il développe tout de même son côté social par d’autres façons. J’ai choisi d’aller dans le sens contraire de la majorité des conseils que j’ai reçu et je ne le regrette nullement. Je suis fière du travail accompli par mon fils et sa réussite en étonne plusieurs. J’ai l’intention de continuer tant que cette situation nous convient à tous les deux. S’il souhaite un jour retourner à l’école, je l’y renverrai avec joie. Ce petit garçon est venu m’enseigner de vivre un jour à la fois et de m’adapter à diverses situations. C’est un bel apprentissage que je lui dois! Alors, pour l’instant, je continue mon rôle de professeur avec bonheur!

Une maman heureuse contre le courant